Joachim Sartorius
Interview Joachim Sartorius Îles des Princes Janvier 2016
Ananay Arango interviews Joachim Sartorius, Lexnews
© Mathias Bothor
Né en 1946 en Bavière, Joachim Sartorius, poète, écrivain, traducteur, a beaucoup voyagé, Tunis dans sans jeunesse, Congo, Cameroun, New York, Istanbul, Nicosie… Il a dirigé, de 2001 à 2011, le festival de Berlin, et est actuellement membre du PEN Club d’Allemagne, de l’Académie allemande de langue et de littérature et participe à la Geschäftsführung der Kulturveranstaltungen des Bundes à Berlin. Il a reçu la distinction de Chevalier des Arts et des Lettres en 2011. Auteur et traducteur de nombreux ouvrages ou recueils, traduits pour certains en français (Des ombres sous les vagues, Ed. Grèges, 2005 ; A Tunis, les palmiers sont menteurs, Ed. Atelier La Feugraie, 2007), il a bien voulu répondre à nos questions à l’occasion de la parution de son dernier livre Iles des Princes, traduit de l’allemand par Françoise David-Schaumann et Joël Vincent, et paru aux Editions la Bibliothèque.
© Mathias Bothor
ouvez-vous nous parler un peu de vous ? Poète, écrivain, traducteur, vous avez aussi beaucoup voyagé, un parcours qui vous a valu d’être nommé Chevalier des Arts et des Lettres en France par Frédéric Mitterrand en 2011…
Joachim Sartorius : Mes amis allemands m´ont donné le sobriquet « bunter Hund » ce qui veut dire mot à mot « chien bariolé ». En français, est-ce le loup blanc ? Ils m´ont appelé ainsi parce que j´ai fait beaucoup de choses différentes dans ma vie. Toujours nomade, toujours voyageur, mais aussi imprésario, poète, champion d´une politique culturelle européenne, etc. Mais j´ai été nommé Chevalier pour des raisons précises : lorsque j´étais directeur des festivals de Berlin, j´avais invité beaucoup de productions françaises, de théâtre, de danse – d´Isabelle Huppert jusqu´à la Compagnie Royal de Luxe de Nantes avec ses géants. Et j´ai traduit des poètes français en allemand, Bernard Noel, et surtout, Lorand Gaspar.
Vue du Splendid Hotel sur l´embarcadère de Büyükada
A quelle occasion avez-vous découvert précisément les Iles des Princes ?
Joachim Sartorius : C´est une amie d´Istanbul, Sezer Duru, journaliste et traductrice, qui m´a emmené un jour aux Iles des Princes. C´était en 1979. C´était une excursion, rien d´autre, et je l´ai décrite dans mon livre.
La maison de Trotski à Büyükada
Vous attendiez-vous à tomber sous leurs charmes ? Et quand avez-vous décidé de leur consacrer cet ouvrage ?
Joachim Sartorius : Cette première visite, il y a bien plus de 35 ans, a laissé une marque indélébile dans ma mémoire. Les îles étaient charmantes à cette époque, un microcosme cosmopolite sous une cloche, avec des traces byzantines, grecques et ottomanes, des jardins exubérants, et une grâce certaine des insulaires… Malgré de nombreuses visites après cette première rencontre j´ai pris la décision d´écrire ce livre assez tard, en 2008.
Joachim Sartorius Iles des Princes – Aux portes d’Istanbul Collection L’Écrivain Voyageur, 163 pages, quatre illustrations Éditions La Bibliothèque, 2016.
Chapelet d’îles de la mer de Marmara, faubourg heureux d’Istanbul, Trotski s’y réfugia. Qui connaît ces îles enchantées, lumineuses, d’où l’on voit la couture de l’Europe et de l’Asie ? Se mettre dans les pas de Joachim Sartorius, voir les Arméniens parler aux chevaux, écouter les rumeurs turques, grecques, byzantines, charriées par la mer, que demander de plus ?
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Vous abordez l’histoire, la croisée des religions, mais vous ne souhaitez pas décrire ces Iles dans votre ouvrage en historien, et encore moins en historien des religions, semble-t-il…
Joachim Sartorius : J´ai écrit ce livre avec une stratégie de plaisir. Et les lecteurs sentent cela, c’est peut-être la raison pour laquelle ils aiment ce livre ? Traduit à présent dans plusieurs langues, en anglais, en turc, bien sûr, mais aussi en croate et même en arabe. Je ne suis pas historien. Je voulais écrire ce livre en tant que poète, je voulais un livre sensuel, un livre d´aujourd’hui, avec quelques excursions dans le passé pour comprendre le présent.
Vue du quartier Nizam sur la peninsule Dilburun
Vous ne semblez pas accorder une grande place – disons- à la « possession », on sent dans votre écriture un certain détachement avec un vif sentiment de vie souligné par les sens (voir, sentir, manger, boire…)…
Joachim Sartorius : Un critique allemand a dit que ce livre est parmi d´autres choses un autoportrait, et c’est vrai que je me trouve dans une sorte de posture oblique au monde. C´est peut-être là une définition de ce que vous appelez détachement. Un poète doit avoir cette faculté de s´immerger, de se donner pleinement aux sens, mais aussi de pouvoir se retirer des affairements et voir les choses de loin, d´une plate-forme solitaire.
Peut-on encore aujourd’hui espérer retrouver ces Iles des Princes, vos Iles des Princes ? Présentent-elles encore ce côté charmeur et cosmopolite ?
Joachim Sartorius : Les Iles des Princes ont certainement changé. Moins de cosmopolitisme. Un islamisme rampant. Un influx croissant de touristes en été. Je vous conseille d´y aller fin octobre ou début mai. Vous pourriez alors découvrir encore les merveilles de cet archipel que je décris dans mon livre.
Comment percevez-vous leur avenir (politiquement, économiquement, écologiquement) ?
Joachim Sartorius : La distance à la mégapole Istanbul (50 minutes avec bateau) protège les îles de trop de développement commercial et des prometteurs. L´interdiction complète des voitures est un autre frein à un développement déraisonnable. Et il y a un mouvement écologique heureusement assez fort pour protéger l´environnement et conserver les zones vertes, surtout à Büyükada.
Joachim Sartorius avec son chat turc
Merci à Joachim Sartorius d’avoir eu la gentillesse de répondre à nos questions en français et pour cette invitation au voyage…
© Lexnews
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Îles des princesAux portes d’IstanbulJoachim Sartorius
santiagozuluaga L'écrivain voyageur, Parutions Joachim Sartorius, L'écrivain voyageur, L'île des Princes
Le récit de Joachim Sartorius joint les faubourgs d’Istambul aux îles, nous offre un festin à Prinkipo, découvre le balcon du monde d’où l’on voit la couture de l’Europe et de l’Asie. Nous apprenons des pans de l’histoire turque, byzantine, grecque et des récits de pêcheurs ou de buveurs de raki. Trotski y trouva refuge, y écrivit en partie L’histoire de la révolution russe et un petit essai Adieux à Prinkipo. Comment ne pas y voir un art de voyager : lenteur, curiosité, parcourir en marchant ou en feytan cet archipel d’îles, beaucoup de saveurs, d’amitiés, de bruissements de mots et ce désir de contempler…
176 pages, 5 illustrations — ISBN 987-2-909688-76-3 — 14 €
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