Le Séjour, L’enfance I de Jean Blot croqué joliment par Lexnews (LBK)…

Imaginez ! Le
narrateur – nommons-le Alexandre, naît à Moscou trois ans après la révolution
d’Octobre de 1917, Lénine est au pouvoir ; D’origine juive, ses parents
émigreront avec ce jeune enfant d’abord à Berlin, puis très vite à Paris… Un
beau début de roman, pensez-vous.
Imaginez maintenant que cette enfance ait été non seulement vécue, mais qu’elle
soit aujourd’hui présente, vivante, à portée d’oreille… Alors, cela devient non
seulement un beau roman, mais une biographie inouïe ! Or, avec ce premier
volume d’une trilogie nommée Le Séjour, ce sont ces souvenirs d’un
autre siècle, pour beaucoup aujourd’hui difficilement imaginables, que nous
livre, en un témoignage émouvant et précieux, Jean Blot, écrivain, essayiste,
grand cosmopolite et surtout amoureux impénitent de littérature et des mots.
Quelques pages suffisent à faire du lecteur le compagnon de jeu de ce garçonnet
curieux, observateur, un brin intrépide, et qui se souvient, quatre-vingt-dix
ans après, savoir parfaitement prononcer le « r » russe. Car
émigrer, c’est aussi et plus encore lorsqu’on a un père poète perdre sa langue
natale ; un abandon suivi de tant d’autres que le jeune Alexandre apprendra
très tôt à cacher derrière une « hypocrisie du bonheur » qui,
écrit-il, ne le quittera plus jamais.
Et effectivement, bien loin de s’apitoyer ou d’être larmoyant, l’auteur joue
avec une lucidité aussi implacable qu’espiègle avec ses souvenirs, sa mémoire
et lui-même. Une enfance marquée du sceau de l’Histoire, inexorable, et qu’il
attrape parfois au vol, questionne et accommode avec tendresse ou
inflexibilité. Paris, la rue Poussin, l’Angleterre et les années de collège…
de jeunes années qui allaient forger le futur écrivain et acteur de la vie
culturelle internationale qu’il deviendra.
Des souvenirs « retrouvés » se voulant – ainsi que l’a
souhaité Jean Blot, moins véridiques qu’authentiques, et mis en forme avec cet
amour inconditionnel du style et de la littérature qui habite l’auteur.
Pouchkine, Mandelstam, Proust y trouvent tout naturellement place. Jean Blot
avoue une affection toute particulière pour le mot même de « Réminiscences ».
Chateaubriand n’écrivit-il pas d’ailleurs avec justesse que « Les plus
belles choses qu’un auteur puisse mettre dans un livre, sont les sentiments qui
lui sont apportés, par réminiscence, des premiers jours de sa jeunesse. »
Et il est vrai qu’en ces pages émouvantes, ce mot prend une sonorité ou couleur
toute particulière à la lecture de ces souvenirs qui imposent de remonter
l’horloge du temps de près d’un siècle. En un savant dosage de confessions, de
pudeur et malice, l’auteur ayant bien trop de respect pour son lecteur, Jean
Blot se souvient et s’affranchit avec allégresse de la grisaille des souvenirs
et des années qui passent.
C’est à une tendre conversation entre l’enfant qu’il fût et l’homme qu’il est
devenu, entre le jeune Alexandre Blokh et l’écrivain consacré et reconnu
aujourd’hui sous le nom de Jean Blot, son nom de résistant, à laquelle est
convié le lecteur. Ses proches, son père admiré, sa mère douce et joyeuse, sa
nounou, ses amis d’enfance n’y reprennent pas seulement place, mais revivent
sous sa plume dans le regard et l’âme de ce garçonnet qui grandit alors que les
heures de l’Histoire sonnent…
« Mais les cloches que j’entends sonner au loin, errer dans le jour
gris comme pour annoncer sa fin – ou la fin – m’assourdissent. Le carillon fait
que je n’entends plus les jours qui le précèdent. Je les retrouverai peut-être.
Mais c’est le deux septembre dix-neuf cent trente-neuf. Et c’est le tocsin.
J’ai seize ans. J’en aurai bientôt… – dans six mois – dix-sept. »,
écrit Jean Blot pour refermer ce premier volume lorsque les ailes du temps
feront brusquement tourner cette page de l’enfance, de son enfance.
L.B.K.